Navigation intrabronchique : l’hôpital Tenon mise sur le « GPS du poumon »

Navigation intrabronchique : l’hôpital Tenon mise sur le « GPS du poumon »

Pour explorer l’arbre bronchique jusqu’au plus profond des bronches, l’hôpital Tenon, (Hôpitaux Universitaires Est Parisien/AP-HP) est l’un des premiers centres en Europe à s’être doté de la navigation intrabronchique électromagnétique ou « GPS du poumon »*. Sa vocation n’est pas uniquement diagnostique mais aussi thérapeutique : cette technique permet de guider la chirurgie mini-invasive ainsi que la radiothérapie ultra-ciblée. Bientôt, elle se posera même chez les patients inopérables comme une alternative à la chirurgie en délivrant de la radiofréquence directement au sein de la tumeur.

L’un des problèmes récurrents en pathologie thoracique est celui du diagnostic. Comment en effet distinguer au scanner thoracique un cancer broncho-pulmonaire d’une tuberculose ou d’une métastase d’un autre cancer ? En vue d’une étude anatomopathologique des tissus de la lésion ou du nodule, et en cas d’absence de diagnostic à la fibroscopie bronchique standard, l’examen de référence reste la ponction sous scanner. D’autre part, « l’examen endoscopique (la bronchoscopie souple utilisant les bronchoscopes standards) ne permet pas d’explorer les bronches d’un diamètre inférieur à 4 mm, précise le Dr Juliette Camuset, pneumologue à l’hôpital Tenon, ignorant pour cette raison la forte proportion de lésions périphériques ». La navigation électromagnétique, en l’occurrence le système SuperDimension TM de Medtronic, utilise un champ électromagnétique autour du thorax pour localiser la position exacte du capteur et le visualiser sur le moniteur, sous forme d’images 3D. Il utilise pour cela une sonde GPS introduite dans un fibroscope capable d’atteindre les nodules les plus périphériques mais aussi un logiciel de reconstruction fusionnant les images des bronchoscopies réelles et virtuelles reconstruites par un logiciel à partir du scanner thoracique. « Concrètement, sur l’ordinateur, le chirurgien va positionner la cible virtuelle sur la lésion à biopsier, explique le Pr Jalal Assouad, chef de service de Chirurgie Thoracique et Vasculaire (Hôpital Tenon). Le chemin le plus court est alors calculé automatiquement, de la trachée jusqu’à la lésion via la bronche la plus proche. La sonde trouvera son chemin jusqu’à la cible/tumeur. Une fois celle-ci atteinte, la sonde GPS est retirée pour laisser place à la pince à biopsie ».

Une aide à la chirurgie mini-invasive et à la radiothérapie

Cet appareil de navigation intrabronchique électromagnétique ne répond pas uniquement à un besoin diagnostique mais s’avère une aide précieuse en cas de vidéochirurgie thoracique ; il s’agit d’une chirurgie mini-invasive développée dans le service de chirurgie thoracique à Tenon. En effet, certaines tumeurs, des nodules pulmonaires en verre dépoli sont inabordables par biopsie sous scanner et difficilement repérables en cours de vidéochirurgie. Une fois la sonde GPS au contact de la lésion, une aiguille permet d’y injecter de l’encre, marqueur de localisation préalable à l’intervention chirurgicale. Ensuite, les chirurgiens n’ont plus qu’à prélever la zone teintée. Cette aide pour repérer la lésion se substitue avantageusement aux repères métalliques placés actuellement sous scanner par les radiologues. « Aujourd’hui, faute de pouvoir ponctionner sous scanner ces nodules pulmonaires en verre dépoli ou de pouvoir les repérer lors des vidéochirurgies, nous sommes amenés à réaliser des résections anatomiques plus larges (segmentectomie) afin d’être certain d’avoir réséqué la totalité de la lésion » précise le Pr Assouad.

Cette technique peut être aussi un préalable à un traitement par radiothérapie stéréotaxique, voire par radiochirurgie robotisée (CyberKnife Robotic Radiosurgery System) pour une radiothérapie ultra-ciblée. Pour obtenir des marges les plus précises possibles, des fiduciaires c’est à dire des fils métalliques à mémoire de forme, aujourd’hui posés sous scanner, vont être placés à trois endroits autour de la lésion à l’intérieur de petites bronches pour la circonscrire précisément et permettre ainsi une radiothérapie qui épargne les tissus sains alentours. « La navigation électromagnétique, nous permet de positionner ces fiduciaires avec une grande précision au plus proche des cibles à traiter », ajoute le chirurgien.

Un autre avantage de la navigation électromagnétique pour le patient est le regroupement des examens en une seule intervention, sous anesthésie générale courte (fibroscopie avec biopsies bronchiques, ponction diagnostique de la lésion par navigation intrabronchique voire une échographie endo-bronchique). Ces examens sont réalisés actuellement de façon séparée et espacée.

 

L’avenir du traitement des tumeurs pulmonaires

Ses avantages et ses possibilités sont tels que la navigation intrabronchique électromagnétique promet d’occuper une place grandissante dans la prise en charge du cancer du poumon dans les prochaines années. Car il reste un dernier champ d’application et non le moindre. Pour le Dr Denis Debrosse, chirurgien thoracique à l’hôpital Tenon, « cette technique possède un vrai potentiel, avec les promesses à court terme du traitement mini-invasif des tumeurs, chez les patients non opérables, en alternative à la chirurgie. Une application thérapeutique imminente ».

Lorsque le malade ne peut être opéré du fait de contre-indications cardiaques ou pulmonaires par exemple, les chirurgiens thoraciques privilégient la radiothérapie ou la radiofréquence (micro-ondes). Cette nouvelle technique ouvre enfin un accès aux tumeurs les plus périphériques. L’introduction de la sonde GPS dans la bronche et positionnée au centre de la tumeur permettrait d’y délivrer un traitement local par radiofréquences, cryothérapie ou au moyen de nouvelles énergies.

Hélène Joubert

* assisté par la Tomographie Volumétrique Numérisée à Faisceau Conique

La navigation intrabronchique électromagnétique disponible à l’hôpital Tenon depuis novembre 2016

Si l’hôpital Tenon accueille le second appareil du système SuperDimension TM de Medtronic en Ile de France, c’est notamment parce que l’environnement y est favorable pour en exploiter toutes les possibilités, diagnostiques comme thérapeutiques. D’autant que la salle de radiologie interventionnelle où il est installé dispose d’un CBCT (Cone Beam Computerized Tomography) ou Tomographie Volumétrique Numérisée à Faisceau Conique. Les procédures y sont réalisées en collaboration avec l’équipe des radiologues dirigée par le Pr Marie-France Carette. Dans ces conditions, le service de chirurgie thoracique de l’hôpital Tenon devient le second centre européen à pratiquer la navigation intrabronchique électromagnétique sous le contrôle supplémentaire d’un mini-scanner, un atout essentiel pour optimiser les résultats.